Un outil pour hâter la riposte aux menaces sur l’agriculture
De jeunes ingénieurs des travaux en informatique industrielle et maintenance viennent de mettre au point au Burkina Faso un dispositif pour faciliter l’intervention en cas de problème dans les champs.
Baptisé « Agri Alerte », ce dispositif propose une solution aux difficultés que rencontrent d’habitude les agriculteurs pour communiquer avec les agents techniques de l’agriculture souvent basés loin des campagnes.
« Agri Alerte » est un boitier autonome qui, fonctionnant à l’énergie solaire, permet d’alerter les agents techniques de l’agriculture en cas d’attaques de chenilles, de criquets pèlerins, d’oiseaux migrateurs, de feux de brousse, etc.
Selon ses concepteurs, son utilisation est simple. Lorsque l’agriculteur identifie le problème auquel il est confronté, il lui suffit d’orienter le curseur de l’appareil vers l’image représentant le problème identifié.
Par exemple, si c’est un cas d’attaques de chenilles, il tourne le curseur et le pointe sur la chenille qui est représentée sur le boitier. Et s’il s’agit d’un cas d’invasion de criquets migrateurs, il pointe le curseur sur le criquet qui est schématisé, ainsi de suite…
Yannick Bationo, l’un des concepteurs de « Agri Alerte », explique ce choix en disant que « la plupart, des agriculteurs ne savent pas lire ni écrire. Mais au moins, quand ils voient une image, ils la reconnaissent ».
Enfin, il suffit au producteur agricole d’appuyer sur un bouton pour que l’appareil envoie automatiquement un message d’alerte à l’agent technique de la région qui est censé s’occuper du type de problème signalé.
Yannick Bationo fait savoir également que l’appareil est paramétré de telle sorte que l’agent technique puisse reconnaître l’endroit d’où le message a été envoyé.
Par ailleurs, une base de données est progressivement constituée à partir de ces informations. Et lorsque le message est envoyé par l’agriculteur, il est enregistré automatiquement sur la base de données et ceux qui reçoivent le message en accusent réception. Confirmant qu’ils ont pris connaissance de l’existence du problème et que des dispositions sont prises pour le résoudre.
Panneau solaire
Toutefois, s’il n’y a pas d’accusé de réception sur la base de données au bout d’un certain temps, les personnes qui gèrent la base de données appellent l’agent technique concerné pour s’enquérir de la situation. Et si ce dernier est indisponible, on peut réquisitionner un autre technicien pour s’occuper du problème, explique Yannick Bationo.
La conception de ce dispositif a tenu compte du fait que le territoire burkinabé n’est pas totalement couvert par le réseau électrique. C’est pourquoi, le boitier fonctionne grâce à un panneau solaire qui qui est sensible même à la moindre source de chaleur pour recharger sa batterie.
En cas d’attaque, soutiennent ses concepteurs, « Agri Alerte » permettra ainsi de prendre rapidement des mesures pour protéger les champs voisins de celui où le problème a été détecté.
« Si un des agriculteurs rencontre des problèmes de chenilles et n’alerte pas assez tôt, les chenilles qui ont une progression très rapide, vont dévaster les champs. Mais, s’il donne l’alerte aussitôt, même si on ne pourra pas sauver totalement son champ, on pourra au moins sauver les champs voisins », explique Yannick Bationo.
La mise au point de cet appareil est une source de satisfaction pour les producteurs agricoles et pour les techniciens d’agriculture.
« Auparavant, on ne pouvait pas avoir de bons rendements parce que nos plantes étaient souvent dévastés par les chenilles légionnaires. Maintenant, nous sommes soulagés », se réjouit Kibs Bougma, un agriculteur de Meguet, localité située à 140 km de Ouagadougou.
Solution innovante
Même son de cloche de la part de Naaba Sanem qui exploite un champ de six hectares à Sera, village situé à une trentaine de kilomètres de Kaya, au Centre-Nord du Burkina Faso. Pour ce dernier, « Agri Alerte » est une « solution innovante qui va révolutionner le monde agricole ».
Bien qu’il dise respecter déjà à la lettre les conseils des techniciens agricoles, Naaba Sanem estime qu’en cas de problème, cet outil permettra d’agir plus vite, aidant ainsi à garantir la production.
Aussi souhaite-t-il que cet outil soit « rapidement mis à la disposition des paysans pour une bonne gestion de leurs cultures ».
A l’Institut national de la recherche agricole (INERA), les spécialistes partagent le même avis. Pour Djibril Yonli, chercheur dans cette institution, « il faut renforcer la concertation entre les partenaires techniques dans le but de vulgariser cette technologie auprès des agriculteurs afin de lutter contre les ravageurs qui sont l’une des causes de l’insécurité alimentaire ».
Dans son dernier rapport paru en septembre 2019, le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), a révélé que les insectes nuisibles, particulièrement les chenilles légionnaires, impactent négativement sur les productions agricoles et sont ainsi devenus une menace pour la sécurité alimentaire de plus de 300 millions de personnes en Afrique subsaharienne ; les populations rurales étant les plus touchées.