Les betteraviers demandent la réintroduction provisoire d’un pesticide dénoncé comme «tueur d’abeilles»

L’Office fédéral de l’agriculture pourrait se prononcer sur la réintroduction provisoire d’un pesticide. Des betteraviers jugent leur production touchée par la jaunisse virale

Des betteraviers qui demandent la réintroduction provisoire du pesticide «Gaucho», opposés aux apiculteurs et écologistes, c’est le casse-tête auquel est confronté l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Une décision pourrait tomber d’ici la fin du mois.

Les producteurs suisses de betteraves sucrières avaient exigé début septembre l’égalité de traitement. Soumis à l’interdiction des néonicotinoïdes, un insecticide, depuis 2019, ils constatent que leur production est touchée par la jaunisse virale. Or des producteurs d’une dizaine de pays de l’Union européenne (UE), dont la France, ont eux bénéficié d’autorisations d’urgence.

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A cause de la jaunisse virale, véhiculée par un puceron, les pertes de rendement s’élèvent de 30% à 50%, a indiqué à Keystone-ATS Josef Meyer, président de la Fédération suisse des betteraviers (FSB). Les pucerons ne causent pas les plus grands dégâts, mais ils véhiculent un virus qui provoque un jaunissement des plantes. Une partie de la Suisse alémanique et toute la Suisse romande sont touchées, constate la FSB.

L’enrobage des semences de betteraves aux néonicotinoïdes est interdit depuis le 1er janvier 2019 en Suisse et dans l’UE. La FSB estime que les mesures exceptionnelles adoptées par certains pays de l’UE menacent la filière sucrière suisse.

Les betteraviers suisses demandent donc la fin de l’importation de sucre issu de betteraves produites à l’aide de cet insecticide. Comme alternative, ils proposent une autorisation pour l’enrobage aux néonicotinoïdes d’une durée de trois ans.

Cette période transitoire doit permettre de trouver des mesures de lutte biologique, des variétés résistantes et/ou des matières actives alternatives, selon la FSB. Son président précise que la filière s’engagerait à ne pas semer des plantes produisant des fleurs susceptibles d’attirer les abeilles après une culture de betteraves.

«Tueur d’abeilles»

Réintroduire cet insecticide souvent qualifié de «tueur d’abeilles», les apiculteurs ne l’entendent pas de cette oreille. «Effectivement, les abeilles ne vont pas butiner les betteraves», note Francis Saucy, président de la Société romande d’apiculture, «mais ces produits ont une grande rémanence, ils restent jusqu’à 90% dans le sol, ce sont des risques à long terme auxquels on expose les abeilles».

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«Pour les apiculteurs, c’est une énorme déception et une grande préoccupation à la fois, ces produits sont toxiques, cela a été largement démontré», a-t-il ajouté.

Porte-parole de l’OFAG, Florie Marion indique que plusieurs rencontres ont déjà eu lieu et sont encore agendées avec les milieux concernés. Nous recherchons la meilleure solution possible, a-t-elle ajouté, précisant qu’une décision pourrait tomber d’ici la fin du mois.

De 1994 à 2018, les semences de betteraves sucrières étaient traitées avec de l’imidaclopride – principe actif du Gaucho –, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, absorbé par les plantules et distribué dans la plante.

La ministre assume

En 2018, l’UE a interdit les néonicotinoïdes pour l’enrobage des semences en plein champ. En Suisse, ces insecticides ont été aussi interdits, en raison de leur lente dégradation dans le sol et de leur toxicité pour les abeilles. Il n’existe actuellement aucun traitement alternatif ou insecticide d’efficacité équivalente.

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La ministre française de la Transition écologique Barbara Pompili a dit il y a dix jours «assumer complètement» la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour sauver la filière de la betterave.

«Quand on doit décider si on garde ou pas une filière, il faut l’anticiper. Or jusqu’à peu de temps, on pensait qu’il y avait des alternatives; on se rend compte qu’elles ne fonctionnent pas. Et donc sur cette petite partie d’utilisation des néonicotinoïdes, on fait une exception qui va durer très peu de temps, trois ans maximum, et après ça sera terminé».